jeudi 10 novembre 2016

Lumière

Jean-Claude Larrieu, à l'hôtel La Madeleine

Jean-Claude Larrieu, directeur de la photographie, est incontestablement un grand monsieur. Cette mémoire vivante d'une incroyable modestie est un homme qui aime son métier, et le faire partager avec les plus jeunes. Il nous a donné rendez-vous dans le hall de son hôtel, où il nous a gracieusement offert des rafraichissements : grand prince! S'ensuivit un entretient d'une heure avec l'une de ces grandes mains qui font le cinéma français.
 
- A combien de festivals participez-vous en une année?
En réalité, très peu : exceptionnellement j'ai participé à celui de Cannes et de Sarlat cette année. Dans ma carrière, les festivals sont secondaires : les réalisateurs n'ont pas besoin de nous voir pour décider de la qualité de notre travail.
 
- Parlons de votre métier : en quoi consiste-t-il?
Je suis directeur de la photographie;  ne vous trompez pas, je ne prends pas de photos, mais décide de la luminosité. Mon rôle consiste à rendre réelles les attentes du metteur en scène. Si celui ci souhaite une ambiance tamisée, c'est à moi de le faire. Je dois décider où doivent être placés les projecteurs, quelle doit être leur intensité, à quelle distance, etc...
 
-Cela doit-être très technique : où avez-vous fait vos études?
Tout a commencé avec mon service militaire, à mes 21 ans : je quittai mon milieu agricole et rural pour le service militaire. J'ai toujours voulu travailler dans le cinéma, j'ai donc intégré l'Office Cinématographique des Armées. J'ai ensuite suivi une formation sur les caméras de 35 mm (rien à voir avec les obus) pour ensuite travailler pour la télévision et les documentaires. Je n'ai d'ailleurs commencé à travailler sur les longs-métrages de fiction que très tardivement.
 
-Vous souvenez-vous du premier tournage de film auquel vous avez participé? Était-ce un moment très marquant?
Bien sûr! J'ai été approché par Guy Gilles, le célèbre cinéaste, que l'on semble avoir oublié aujourd'hui, en 1982. Il avait entendu parler de moi et souhaitait m'avoir sur son tournage... Mais cela n'est pas le moment le plus émouvant que j'ai vécu. Cela a été lorsque j'ai gravi les marches pour entrer  à l'OCA : j'ai vu une caméra sur pied, sans la réflexion (pièce arrière, NDLR). Cette image était tellement belle, que je me suis imaginé à l'arrière, tournant la manivelle. Ce n'est pas arrivé, mais je ne regrette pas la carrière que j'ai faite.
 
- Que pensez-vous des petites séquences, auxquelles vous participez, et des rencontres avec les lycéens?
Je dois dire que l'équipe dont je m'occupe est très chaleureuse et aimable. Les jeunes que l'on rencontre ici aiment ce qu'ils font, et c'est très vivifiant pour nous, les anciens, de partager ce que l'on sait. C'est très vivifiant et intéressant : on sent que la ville bouillonne de la présence de ces centaines de jeunes.
 
- Vous avez commencé à travailler à une autre époque, il y a plus de 50 ans. Comment avez-vous vécu les changements technologiques?
J'ai connu 3 "périodes" : celle des caméras avec des bobines de 35 mm, de 16mm, et enfin le numérique. Je dois dire que cela n'a jamais changé ma manière de travailler, à la différence des étalonneurs et des monteurs. Honnêtement, on n'a pas inventé la poudre. Le premier tournage que j'ai fait avec le numérique, c'était à Tokyo avec Isabelle Coixet, Map of the sounds of Tokyo, et je dois dire que cela nous a plus posé de problème qu'autre chose. Les caméras Red One étaient encore balbutiantes à l'époque, mais je dois dire que le résultat final a tout de même permis d'aller à Cannes (Rires).
 
-Votre métier est assez méconnu... Vous vous définissez vous même comme étant un cinéaste ou un artiste, mais le manque de reconnaissance ne vous pose-t-il pas problème?
Pas du tout : j'aime mon métier et je ne cherche uniquement que les lauriers de mes pairs et des cinéastes. Travailler avec Almodóvar est un privilège qui n'est pas donné à tout le monde!
 
 -Quels conseils avez-vous à donner aux jeunes qui souhaitent suivre votre voie?
C'est très compliqué de répondre à cette question... Moi même, je ne dois ma carrière qu'aux hasards de la vie, et aux magnifiques amitiés que j'ai tissées. Je crois en l'amitié plus qu'en l'amour. Sans mon équipe, sans le chef électricien, sans le chef machiniste (ces hommes sont capables de vous construire une centrale atomique!), sans le metteur en scène, mon travail ne vaudrait rien. Pour réussir, ils doivent croire en eux et dans leur projets.
 
Henni Malik et Marine Flaquiere
 

1 commentaire:

  1. Super, cet interview sur le métier discret ( dans l'ombre même, paradoxalement) de directeur de la photographie. Les ambiances, les atmosphères ...tiens, ça me rappelle le mot célèbre d'Arletty" atmosphère, atmosphère , est-ce j'ai une gueule d'atmosphère?, c'est capital dans un film!

    RépondreSupprimer